L’action humanitaire et la souveraineté nationale

L’homme est un pompier pyromane. Cette métaphore illustre bien la dégradation de l’environnement que l’on fait subir à notre planète. La majorité des crises humanitaires trouvent leurs origines dans les activités humaines et parfois même, dans l’inaction de ces derniers. L’action humanitaire vise en premier lieu à sauver la vie et la dignité des êtres humains. En effet, une notion d’urgence imprègne l’idée de l’action humanitaire. Cependant, celles-ci doivent également envisager des opérations de préventions, sans lesquelles une catastrophe se produirait.

L’action humanitaire, et plus particulièrement les hommes qui en font la promotion et assure sa réalisation, jouit d’un statut social particulier, au même titre que les guérisseurs ou les enseignants. Cette aura leur permet d’accéder à un espace fermé à l’action politique nationale et internationale, sujette à suspicions et souvent à l’origine même des problèmes qu’elle prétend règler. L’action intrusive, quand bien même elle est une aide nécessaire et bienvenue, reste en opposition avec la logique du système international actuelle encore anarchique et stato-centré. Certes les États coopèrent, mais ils restent jaloux de leurs souverainetés, soucieux de leur survie, et à chacun à son échelle, attentifs à l’accroissement de leur pouvoir. Ainsi, l’action humanitaire peut être perçue soit comme une violation, soit comme un aveu de faiblesse des États. C’est une vision réaliste, mais encore d’actualité, qui ne doit cependant pas servir de seule base d’analyse.

Malgré le prestige, l’universalité de l’action humanitaire et l’intégration du principe d‘aide dans la majorité des religions et cultures mondiales, il n’est jamais aisé de faire de l’humanitaire. L’investissement gouvernemental, notamment des pays occidentaux, dans le champ humanitaire brouille en effet les séparations entre politique subjective et intéressée, et l’humanitaire plus objectif, universaliste, et désintéressé. L’humanitaire se doit d’apporter une aide inconditionnée à ceux qui en ont besoin, sans jugements de valeur que l’on peut porter à l’égard de ces derniers. D’un point de vue pragmatique, blâmer un acteur peut se montrer contre-productif du point de vue de l’aide sur le terrain. Se mettre à dos un gouvernement ou un groupe rebelle en l’accusant ouvertement pourrait porter préjudice à des populations en besoins, car l’on se trouverait défendu ou dans l’impossibilité sécuritaire de les aider. Fort heureusement, le Droit International Humanitaire se construit sur cette notion. Une notion qui peut cependant attirer des critiques aux acteurs de l’humanitaire.

Cette nécessité explique les positions très complexes que doivent entretenir les acteurs de la solidarité et de l’humanitaire, avec certains groupes ou États peu scrupuleux. Ils se trouvent entre une nécessité d’aide, de résoudre les problèmes tout en traitant avec les sources de ceux-ci. Une contradiction qui ne doit pas servir d’argument dégradant les actions humanitaires et leurs acteurs. En effet, la loi de la nécessité et sa prééminence sur la défense de nos valeurs subjectives (de Droits de l’Homme par exemple) doit rester la norme de l’action humanitaire.

Omar Tarabay